Quand attendre = frustration
Ahhh l’attente. Attendre une réponse. Une nouvelle. Un dénouement. Une décision…qui ne nous appartient pas. Ça peut être tellement frustrant !
Cette frustration qui nous empêche de nous concentrer et qui nous fait tourner en rond. Commencer sans finir. Chercher une occupation. Reprendre où on en était mais avec la mémoire d’un poisson rouge car cette mémoire est occupée ailleurs que dans l’ici et maintenant.
Il faut dire qu’on a pris la fâcheuse habitude de tout vouloir tout de suite et maintenant. Aucune barrière ou presque ne s’immisce désormais entre nous pour justifier des lenteurs. Le téléphone greffé à la main, on est joignable, on peut obtenir cette réponse à tout moment et donc on est comme suspendu.e à son bon vouloir. On inventerait presque des incantations face téléphone du type : « aller tu vas sonner…maintenant ! Si si maintenant ! ». Et puis rien. Et on ne peut penser à autre chose qu’à ce « rien ». On s’accroche…à rien.
Parce que nous, nous avons besoin de cette réponse immédiatement. Mais si notre besoin ne correspondait pas à celui de l’Autre ? Si notre rythme n’était pas le sien ?
Et si cette empathie que je demande à l’Autre, je la déployais envers lui ou elle ? Et si je partais du principe que cette attente n’était pas contre moi ? Peut-être l’Autre est-il sous l’eau ? Peut-être est-il ou est-elle perdu.e, indécis.e ? Peut-être d’autres éléments dont je n’ai pas connaissance viennent-ils impacter cette situation ?
Et si je ne gardais dans cette attente que ce qui m’appartenait ? J’ai tout fait. Tout dit. Les lignes sont remplies. L’argumentaire donné. Les fichiers remplis. Les documents envoyés. Les tests réalisés.
Force est de constater que cela ne se joue plus entre mes mains. Et si dans l’attente, c’était ça la difficulté ? Que ce ne soit plus entre nos mains ? La perte de contrôle ? Accepter qu’une décision qui nous impacte soit dans les mains de l’Autre ?
Accepter cela est extrêmement difficile mais aussi libérateur. Attention, je ne dirai jamais qu’il est simple de régler son cerveau comme on voudrait en appuyant simplement sur un bouton. Mais peut-être ces réflexions peuvent-elles être le début de quelque chose ? Se poser la question de savoir : qu’est-ce qui me dérange dans cette posture de l’attente ?
Quand on s’accroche à cette sensation de frustration on l’entretient en elle-même. Un peu comme si on jouait seul au tennis : on envoie des balles mais la personne en face ne cherche pas à les renvoyer. Avec cette métaphore on imagine bien l’énergie dépensée dans le vide. Et ce vide, ce blanc peut faire peur et (ré)activer des croyances qui concordent avec cette situation. Des croyances du type : « je ne suis pas intéressant.e », « je suis trannsparent.e », « je ne réussis jamais », « la vie est injuste », etc. Ces croyances peuvent à leur tour encourager des angoisses qui paralysent. Et le cercle vicieux reprend car pour se rassurer on renvoie une balle. Mais toujours rien en retour.
Bref, non, attendre n’est pas toujours facile. Mais avant d’arriver à ces phases de mal-être essayons de nous poser cette question : « Pourquoi suis-je mal à l’aise avec cette attente ? ».
Ce qui est intéressant c’est de voir comme la posture est pour certain.es plus acceptable pour les attentes dites « normales » : par exemple, les résultats de santé. Alors que le sérieux du sujet peut être préoccupant, il y a une acceptation tacite dès le départ : l’impuissance. Ça, c’est intéressant : puisque l’attente est normale du fait de la durée de traitement des données, des analyses etc, on peut implicitement moins s’accrocher à la frustration qu’elle provoquerait habituellement.
En revanche, si l’attente est liée au comportement de quelqu’un, alors cela dérange.
- Comme si cet Autre n’avait pas lui aussi tout un process à respecter pour donner sa réponse et, enfin, nous renvoyer la balle.
- Comme si le fait de ne pas avoir un délai annoncé nous perdait complètement. Pourquoi cette absence de contrôle nous rend-elle si nerveux ? Qu’est-ce que cela vient réveiller ? Comment percevons-nous le comportement de l’Autre ?
Il n’y a pas vraiment de recettes magiques pour vivre cette attente (ou peut-être que je ne les connais pas !). Néanmoins je conseillerais d’éviter de remettre tous nos projets en fonction de cette décision que l’on attend : là c’est alimenter notre frustration à coups sûrs. Se focaliser sur ce qui n’en dépend pas et faire l’autruche sur le reste, c’est parfois nécessaire temporairement. Trouver des sources de joie qui n’en dépendent pas.
Certain.es vont se jeter à corps perdu dans l’action. L’objectif ? Faire autre chose pour détourner le mental et le focaliser sur autre chose. C’est une tâche pas évidente ! On ne manipule pas consciemment son propre cerveau facilement, et surtout cela ne fonctionne que très temporairement : arrive un moment où ne peut s’empêcher d’y repenser.
D’autres vont faire autre chose mais dans la douceur dans un objectif de calmer le flot de pensées : se balader, lire, cuisiner…l’attente est là mais en arrière-plan.
Enfin, c’est aussi sans doute dans l’attente que la foi aide à accepter l’impuissance : quand on a la foi, quelle qu’elle soit, on accepte littéralement que tout ne soit pas entre nos mains. Un Dieu, l’Univers, le Destin…se raccrocher à ses croyances pour accepter ce qui est.
Comme toujours, il n’y a aucun jugement dans toutes ces lignes. Je pense honnêtement pouvoir m’identifier aux trois.
Néanmoins il y a encore et toujours cette question qui m’aide à calmer la frustration : « Pourquoi je me sens comme ça, qu’est-ce que ça réveille chez moi ? ».
Puis : « Est-ce que je peux y changer quelque chose ? Ai-je encore la main ? ».
Si la réponse est non alors : « Comment ai-je envie de vivre cette attente ? ».
Et essayer. Parler si c’est difficile. Partager les doutes. Trouver du soutien. Se sentir moins seul.e.
Juste essayer. Encore.
Intellectualiser ce que l’on ressent, donner la parole à nos émotions c’est se donner une chance de moins subir ces moments et de mieux les vivre.
Tout est là pour une raison, alors essayons de savoir pourquoi.
Prenez soin de vous,
Mélodie